"C'est l'histoire d'un Belge..."
Cela pourrait commencer comme cela. Enfin presque, puisqu'il s'agit d'un Boulonnais, mais il y a au fond, entre les deux, moins de kilomètres qu'il n'y paraît. Quand je dis "Boulonnais", je ne parle pas du cheval, même si l'homme s'apparente volontiers au bout-en-train, allusion à son état d'esprit enfantin comme à son appétit sexuel insatisfait oblige. Non, il s'agit d'un petit Français comme vous et moi - ne soyez pas offensés si je préfére que ce soit plutôt vous que moi. Il a réussi dans le football et, après avoir grandi dans l'ombre d'un géant, il a porté sur lui les espoirs lourds de toute une nation.
Je fais des raccourcis, mais je crois qu'on sera tous d'accord pour dire que, sur un plan strictement sportif, Frank Ribéry n'a pas de bol : comme tous ceux qui appartiennent à la génération de l'après Zidane, il est écrasé par la légende et pulvérisé par les comparaisons. Génération maudite, dit-on, comme le seront aussi les suivantes et pour combien de temps encore ? Benzema et Gourcuff ont déjà été passés à la moulinette. Au tour de Martin... On craint pour lui que l'histoire ne se répète.
Franck Ribéry n'a pas de chance, mais il arrive parfois qu'on parvienne à la provoquer. Lui, non. Il est de ces joueurs mystérieux qui brillent en temps de creux, de mer d'huile, mais dont la force se dérobe au pire moment lorsque tout un peuple compte sur un coup de génie décisif. Jusqu'ici, à part un coup de rein à une amatrice de footballeurs qui lui a valu des pépins judiciaires, qu'a-t-il donné au football ?
Un statut à assumer
Je suis dur. Sans doute faudrait-il le considérer comme un joueur de football, point. Un garçon finalement au-dessus d'une moyenne à la baisse depuis la retraite de Zidane et qui serait, en somme, l'objet d'un fantasme collectif : les autres auraient fait de lui la nouvelle star mondiale hexagonale et le premier intéressé aurait même fini par croire en sa destinée hollywoodienne ou en aurait joué - et ce serait humain.
Après avoir partagé la lumière lors du Mondial allemand, il éprouverait maintenant toutes les peines du monde à entretenir le feu. Ce serait admettre alors que la lumière ne venait pas de lui et que son talent est inventé, sinon exagéré. Je vous laisse juges.
Sa traversée du désert, en équipe de France aussi bien qu'en Bundesliga, appuie la thèse. Sous les deux tuniques, après une première année prometteuse, c'est le même constat du néant absolu qui s'impose depuis douze mois. Certes, le sort n'a pas été clément puisqu'il a fallu revenir après des blessures à répétition - les chevilles capricieuses. Il a également fallu jouer tête basse et affronter l'hostilité de principe d'un public français loin de briller, souvent, par son intelligence. Des conditions physiques et psychologiques qui n'encouragent certainement pas le dépassement de soi.
Et patatra
Ribéry, c'est l'histoire du verre à demi vide ou à demi plein. C'est un potentiel - réel ? - tardant à s'exprimer sur la durée et qui s'érode, s'érode, s'érode. Et alors que je m'échine à lui trouver des circonstances, voilà que Ribéry l'espiègle s'amuse à tout démonter. Sérieusement, avez-vous vu sa dernière sortie médiatique - nul besoin de manier la langue de Goethe tant l'info a été relayé en France ? Les bras m'en tombent de sottise.
"Le titre de meilleur footballeur du monde est mon grand rêve. Je crois que j'ai une chance (...).
Je peux atteindre le même niveau que Messi. Pour moi c'est une certitude".
... Ces déclarations... Il y a quelque chose là-dessous. C'est forcément politique, voyons, forcément le fruit d'un calcul... Le conseil de son agent ? Etrange coïncidence, après avoir longtemps animé le marché, le nom de Ribéry ne circule pas durant ce mercato, comme si les investisseurs se détournaient de lui, aujourd'hui convaincus de sa faible valeur sportive ou/et marchande... A moins qu'il ne s'agisse que de faire de l'oeil au public munichois devenu boudeur après avoir encensé le joueur - comme quoi, il n'y a pas que les Français coupeurs de têtes qui aiment brûler leurs idoles. C'est qu'à force de clamer son envie de départ et à decevoir sur le terrain, Kayser Franck a fort à faire pour renouer les liens.
Sans doute est-ce un peu des deux, tant on ne peut se garder de penser que l'entreprise Ribéry, hier si florissante, est en pleine crise. Mais si l'on donne aux mots leur sens habituel... Diantre, a-t-il perdu la raison ? Assurément, cette parole est la meilleure blague de l'été. Mais imaginez qu'il pense ce qu'il dit !
D'un certain point de vue, il est lucide : s'il veut être Ballon d'or, il doit égaler ou dépasser Messi. Le peut-il ? Jusqu'ici, cela prête à sourire. C'est cependant tout le mal que je lui souhaite.