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Objectif sport
25 juin 2010

Gazon mythique

"On a beau dire, quand ça ne veut pas..."

La petite phrase aurait pu concerner notre équipe de France de football... Il ne s'agit toutefois pas de ça ici, mais de l'un de ces instants précieux - et rares, forcément - qui expliquent, au fond, qu'on puisse aimer le sport.

isner1

Londres, mercredi 23 juin, 21h02. Il n'y a plus une parcelle d'herbe verte sur le court n°18, l'ombre a tout avalé. Tout, et donc les deux joueurs qui se rendent coup pour coup dans un combat qui dure maintenant depuis dix heures. On les sent exténués, l'un a les bras ballants, l'autre voit trouble. 58-58 dans le cinquième set opposant, au premier tour de ce tournoi sans équivalent qu'est Wimbledon, John Isner, géant américain de 2m06, à Nicolas Mahut (148e rang mondial). 15-0 sur le service du natif de Greensboro. Après une première balle relativement inoffensive pour le Français, un retour appliqué, Isner parvient péniblement à déborder son adversaire et, se hissant au filet à la vitesse d'un cheval mort, accomplit une volée moyenne. La petite balle jaune a une trajectoire bombée et rebondit généreusement sur le T. Mahut, les pieds dans la bâche, s'arrache du plastique comme un forcené, court autant qu'il peut et part à l'horizontal : il y a longtemps que les deux hommes ne sont plus lucides. Il se jette donc et atterrit à plat sur le gazon. Les jambes lourdes, il reste un moment le nez sur la ligne blanche. Les spectateurs sont debout. Standing ovation, ovation de standing. John Isner, de l'autre côté du filet, vient de marquer le point. Il regarde Mahut et ne retient pas un sourire d'usure. Il applaudit avec sa raquette, consacrant son résidu de force à son adversaire.

isnermahut2

A 59-58, léger frémissement dans les gradins et parmi la foule amassée autour du court, sur la colline, pour partager cet instant historique : balle de break Isner - "balle de break" plutôt que "balle de match", car cette partie ne semble plus vouloir se terminer. Au pied du mur, le Français sert un 85e ace... 85... Julien Boutter, consultant sur Sport +, hurle et encourage celui avec lequel il avait échangé quelques balles quand il était sur le circuit. Les compteurs sont remis à zéro - façon de parler. 59-59... C'est ça, le sport que j'aime.

"L'éternité, c'est long, surtout vers la fin".

isnermahut1Le match a pris fin le troisième jour de ce tour commencé un mardi. John Isner, requinqué si l'on veut par la trêve nocturne, a finalement pris le dessus après 11h05 de jeu. Un dénouement prévisible : le géant n'a que son service pour le sortir de cette impasse. Il n'a que ça, mais sur cette surface qui favorise les poids lourds, c'est plutôt "tout ça". La seule chance du Français, combattant correct mais non génial, était que la fatigue agisse comme un grain de sable dans la mécanique américaine. Raté. Il perd 70-68 dans le set qui a failli ne jamais être décisif.

Les deux hommes sont entrés dans l'Histoire, eux qui n'y auraient jamais pensé et qui traverseront l'essentiel de ce sport dans les coulisses. Le combat est devenu spectacle au fil des heures et les hommes en blanc, sur le court, ont fini leur marathon en complices, éprouvant au plus haut point un profond respect mutuel. C'est ça. C'est le sport que j'aime.

"Arrivederci Italia !"

Intensité. Une parenthèse dans laquelle on retrouve les individus dénudés et en proie, alors, à toutes les émotions. Un spectacle humain et des excès. Un peu comme le plaisir que l'on ressent à apprendre l'élimination des Italiens au Mondial sud-africain. De l'intensité, des excès, des sentiments humains - ce qui n'exclut ni la mauvaise foi ni la moquerie quand elles sont à petite dose. C'est ça...

 

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Commentaires
C
Sais-tu qu'Isner, qui n'a pas volé sa victoire, s'est fait balayé aujourd'hui par un obscur néerlandais (autre gros serveur) sur le score sec de 6-0 6-3 6-2 ? La suite de l'histoire est un peu plus triste, mais merci à ces deux-là pour ce moment d'anthologie...
F
Bel article, mon JP. Et quel épilogue!!
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