P*** de s*** de sa r***

Hier soir, au Grand Journal de Canal +, le rédac' chef de l'Equipe a promis une Une électrique - non, "explosive" -, à Michel Denisot qui lui demandait quel serait le titre du quotidien du lendemain. Il a employé ce mot-là en ajoutant un petit sourire en coin, alliant malice ou fierté, peut-être bien les deux. J'avais presque oublié cet épisode avant de m'installer dans un troquet, ce matin, et de découvrir ce qui le faisait bander - pardon pour la vulgarité, mais aucun autre mot ne convient.

Qu'on se le dise, Nicolas Anelka a insulté Raymond Domenech ! Le scoop est lâché en termes crus sur la première page du journal, en gros caractères. Impossible d'y échapper. Il y a des jours comme celui-là où je remercie le ciel de ne pas être encore papa...

Et Gallas tend son doigt bien droit !

La violence qu'un homme dirige contre un autre me met constamment mal à l'aise. Elle a beau être verbale, elle ne me choque pas moins. Quant à ces expressions de collégiens, qui sont crachées par réaction, sans comprendre ni mesurer leur sens, elles m'effraient de la même façon. Si elle s'avérait exacte, la réponse sanguine d'Anelka au sélectionneur, parce qu'elle est de celles-là, est intolérable. Un gamin de douze ans aurait droit à un carton jaune ou une fessée - n'en déplaise à certains parlementaires. Mais pour un trentenaire, c'est différent et c'est surtout honteux. Caprice de star et de post-ado bien perturbé. A l'heure où j'écrivais, j'espérais des mesures fortes, à commencer par son exclusion du groupe et celle du Mondial ; c'est chose faite. Et dire que son club de Chelsea vient de lui renouveler son juteux contrat... Peut-être pourrait-on imaginer une sanction contre le joueur, une mise à pied, voire un licenciement pour faute grave ou comportement contraire à l'éthique du football - expression drôlement pratique pour y mettre tout et n'importe quoi ! Allez oust, à la "Trappes" !

D'une certaine façon, l'éternel Bad boy du foot français, pourtant revenu de loin, vérifie le dicton "Con un jour, ..." Mais le sentiment de profond dégoût que m'inspire cette anecdote est, en réalité, partagé entre le dérapage de l'attaquant français et sa récupération délibérée par le quotidien. Le choix d'inscrire en Une les insultes de l'un à l'autre est injustifiable. En tirant à boulets rouges sur Anelka, ils ne font pas mieux que lui. Triste ironie : les plumes de l'Equipe - dont on se demande parfois si elles ne sont pas qu'une tant les mots et les encres se confondent - dénoncent depuis deux jours l'incapacité des Bleus à donner l'exemple, à tirer le football national vers le haut, à servir de modèle pour le monde amateur et la jeunesse... Ecoeurant ! Qu'ils balaient devant leur porte plutôt que de s'auto-proclamer gardiens d'une morale prédigérée pour piliers de comptoir !

On comprend bien que ce qui compte, c'est le choc et le chiffre. Le bouche à oreille et le nombre de tirages. D'où le sourire en coin du rédac' chef. Peut-il seulement être fier de son coup ? Ah ! Ils agissent pour le bien de nos Bleus ! Pourquoi cet étalage sur la place publique si ce n'est pour s'auto-congratuler et dire au monde "vous voyez, nous avions raison, il y a bien des tensions" ? Pourquoi maintenant si ce n'est pour nuire au sélectionneur, saper son résidu d'autorité, en faire la risée, l'écraser ? Pourquoi maintenant, sans penser aux conséquences, aux tensions que les révélations vont inévitablement exacerber ? Pourquoi maintenant si ce n'est pour isoler celui qui a parlé et siffler le coup d'envoi de la chasse aux sorcières - tiens, qu'est-ce que je disais ? Evra veut avoir la peau du traître ! Pourquoi maintenant si ce n'est, enfin, pour anéantir tout espoir de qualification et finir de détruire le lien fragile qui soude les Français à leur équipe ? Ces journalistes sont des rois et, au moment de dresser le bilan, on oubliera sûrement de dégager leur part de responsabilité. C'est dégueulasse.

... Usons à notre tour de leur si chère liberté d'expression ! "Petite bande de journalistes frustrés", qui rêvent de Goncourt et qui privilégient trop souvent l'esthétisme d'une phrase à l'information qu'elle renferme. "Piètres connaisseurs" de ce sport qui nourrit leurs colonnes autant que leur ventre, qui font la pluie et le beau temps, décident de tout en toute souveraineté - le lynchage de Raymond selon des procédés infectes, par exemple - et s'étonnent après tout le monde que le Ghana puisse valoir quelque chose... "Pauvres procureurs", qui font le procès d'Henry, une autre de leurs cibles préférées - ben oui, faut quand même pas l'épargner ! Le Barcelonais est pointé du doigt et pris dans la nasse avec les autres : c'est un "cadre en bois", au même titre qu'Anelka, Ribéry, Evra ou Gallas. Un cadre qui a raté son Mondial...

Ca se passerait bien de commentaire, mais la dérive est trop énorme ! Faut-il rappeler que Titi n'a pas ou peu joué !? Peu importe, ça ne semble pas faire tilt... Et celui qui n'a pas le courage de signer son réquisitoire de sommer l'ancien capitaine de rendre des comptes : "à l'heure du bilan, Henry a de sérieuses excuses à présenter pour son manque d'influence"... La tournure est belle, le style direct : la vérité de l'Equipe est sèche et parfaitement sentencielle. On imagine qu'au moment du bouclage, les collaborateurs ont savouré et applaudi. Sauf que cet héritage dont il est question, Thierry Henry n'en a jamais accepté le bénéfice, même sous inventaire. Pas par snobisme, mais parce que ça lui échappe, parce que ça n'est pas lui, pas sa nature, et qu'il ne s'en est jamais caché. Cette responsabilité se donne, certes, mais pas à n'importe qui. On ne s'improvise pas cadre, responsable d'un groupe : ce serait croire que Deschamps, Thuram ou Zidane n'avaient rien de particulier, avaient le même rayonnement, la même aura, la même autorité sur le reste de l'équipe que Candela, Diomède, Givet ou Govou... Il y a bien plus qu'un vécu dans le club France pour vous donner droit à exercer une telle influence. Un détail...

Vous avez raison, MM. Jouhaud, Duluc & Co. Dansez, trinquez, jouez à qui pisse le plus loin... Mais tant que la France du foot ne verra qu'à travers vos yeux, elle demeurera malade et méprisante.

Comments

[ady]

oh là, c'est le chaos chez les bleus
ils s'engueulent , refusent de s'entraîner ...
Franchement, ils me soulent ces footballeurs à la noix sur-méga-payés.
On ne sait pas où trouver de l'argent pour payer les retraites des gens qui ont travaillé toute leur vie ? Ben moi je sais où ! surtout que ces footballeurs utilisent leur argent pour "zazahier à droite, à gauche" ! Quel exemple donnent-ils pour les jeunes ?

[Charles]

Merci Ktrine pour le lien vers Rue89 et son (excellent) article !
VOyez vous-même : http://www.rue89.com/rue89-football-club/2010/06/19/lequipe-et-les-insultes-danelka-on-touche-le-fond-155520

[Ktrine]

Et voilà très bien dit en quelques lignes un très bon résumé de ma pensée !