Je sais, je sais... Vous allez dire "Diantre ! Fichtre ! Quelle audace ! N'a-t-il pas poussé le bouchon un peu trop loin ? Quel fou !"...

En m'appropriant, pour rendre hommage à la victoire barcelonaise, la une de l'Equipe - "Ca, c'est du foot !" - choisie le lendemain d'un match de légende qui a opposé Chelsea à Liverpool en quart de finale retour de la Ligue des Champions (les Reds, definitely, ne sont pas comme les autres), je serais un pirate dément, insultant ce qu'il y a de plus beau dans le football : des buts, des buts, des buts, enveloppés dans une intensité très anglaise. Il faut dire que la théorie du sacrilège a les pieds solides : quel ennui, quelle pauvreté que ce match à Londres ! On attendait un festival, et les Catalans ont déjoué ! C'est certain, mais...

Que dire d'autre ? Comment saluer autrement le génie de Guus Hiddink ? Ce serait lui faire injustice et, dans le même temps, faire injure à son sport. L'ennui, que j'ai ressenti si profondément en regardant le match (supporter le Barça a certainement sa part d'explication dans cet état de torpeur - le Barça, et pas Chelsea ? Why not ?... Parce que ça a quelque chose d'impossible, comme chanter, la main sur le coeur, l'hymne de l'Inter...), m'a excité, émerveillé. C'est comme si la pelouse était devenue un échiquier géant. Un bonheur de bataille tactique - et nerveuse - qui appelait en quelque sorte le sacrifice du beau jeu - ou du jeu tout court. Derrière la tristesse du spectacle, j'ai vu une maîtrise incroyable et brillante.

Un verrou n'a, d'ordinaire, rien d'excitant - il n'y a guère que celui qui entrave le chemin menant au lit de sa belle pour contredire cette plate vérité. Le verrou au football est souvent haï parce qu'il signifie le refus du combat et l'intention même de nuire au jeu, quand ce n'est pas aux joueurs d'en face... Hier soir, pourtant, le piège était effroyablement beau. La première image qui m'est venue quelques minutes après le but d'extraterrestre de l'extraterrestre Essien, c'est celle du "baiser de la mort" que la lionne inflige à l'antilope ou de l'étreinte tout aussi mortelle d'un serpent constricteur.

Qu'y a-t-il de glorieux là-dedans ? C'est, un peu, de parvenir à imposer une discipline de fer aux joueurs de Chelsea habitués à faire le jeu et qui disposent de grands moyens à cette fin. Mais c'est surtout, je crois, de voir ces stars se plier aux exigences du coach. Comme s'ils savaient que la métamorphose imposée pour un soir (le match contre Barcelone n'est sans commune mesure avec celui de Liverpool) était la clé d'un voyage à Rome. Faire bloc pour casser le champion d'Europe de coeur, avec toute la puissance que l'on connaît des Londoniens. Dès la 20e minute, huit Blues alignés, ou presque, dans les 18 derniers mètres de Petr Cech... Vérifiez à la vidéo, c'est affreusement génial.

J'ai la conviction que ce plan tactique, uniquement brisé par une action - la seule, peut-être bien - conclue à la 93e minute d'un tir sur lequel on ne pariait plus, suppose une connaissance infinie du football. J'ai adoré regarder ce match détestable et so boring... Même si supporter le Barça a certainement sa part d'explication dans cet état de bonheur - le Barça, et pas Chelsea ? Why not ?...

Ca, c'est du foot !

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