Football en deçà, futbol au-delà
Ca commence un peu comme dans un roman. Il y a un décor, des personnages et une ambiance de littérature. Dimanche matin, à quelques pas de la Gran Via de Madrid. Dans le kiosque, un homme frigorifié souffle dans ses gants en laine pour réchauffer ses mains. Une pluie fine et pénétrante tombe sur une capitale encore endormie. Il est neuf heures et les rues sont désertes, ou presque. Il n’y a qu’une femme, en jupe et collants, attendant au coin de la ruelle voisine la visite d’un client. Sans doute les hommes, qui portaient la veille soir l’écharpe blanche à leur cou, rêvent-ils encore, au fond de leur lit, à la victoire acquise aux forceps par le Real de « Mou »…
Cristiano y diez más
« Cristiano et les autres ». La une de Marca ne cache pas son admiration pour CR7, la star gominée de Madrid qui a sauvé les siens en marquant un doublé cinq jours après l’humiliation subie au Camp Nou. Une adoration assumée, qui tranche avec les mots acides adressés dans l’éditorial à l’ennemi barcelonais. On notera simplement, dans ce tissu de propagande, que la cote de Benzema s’améliore lentamente. L’entrée du Français en début de seconde période est jugée positive, à tel point que les commentateurs regrettent sa non-titularisation. Idéalement placé sur les deux buts, il aurait même marqué si le Ken protugais, forcément un peu individualiste, avait choisi l’option collective. Du mieux, donc, pour le chouchou de Sir Alex.
Côté barcelonais, que más ? Le Barça l’a emporté à Pampelune dans un
match polémique – le coup d’envoi a été donné avec trois quarts d’heure de
retard en raison de l’absence des hommes de Pep, victimes, comme moi, de la
grève des contrôleurs aériens dans tout le pays. Le résumé de la rencontre
diffusé sur la télévision de l’hôtel me fait dire que les successeurs d’Eto’o
ne sont pas tous logés à la même enseigne. Malgré une passe décisive dont il
doit être crédité, Villa est bien loin de partager les statistiques du
Camerounais. Si la situation n’est pas alarmante, puisque Pedro bouche les trous avec talent
et que Messi n’a pas oublié qu’il pouvait traverser seul toutes les lignes du
terrain, les trois grosses occasions vendangées par l’ancien de Valence
feraient couler beaucoup (plus) d’encre s’il avait quelques centimètres de plus et
parlait français. Mais, après tout, un traitement faveur pour un national au
comportement irréprochable sur et en dehors des terrains, est-ce bien
anormal ?
Lisandro et les autres
La vraie surprise, c’est sûrement de tomber sur la retransmission d’un
match de Ligue 1 sur une chaîne espagnole. Montpellier – Lyon dans la chambre
de l’hôtel, après quinze heures d’avion et des cernes comme des valises, je
prends !
Les Gones attendront la 94e minute et le deuxième but
de Lisandro pour respirer. Avant ça, rien. Une fois n’est pas coutume, l’OL
avait bien débuté son match en ouvrant rapidement le score par son Argentin, à
la suite d’un centre cadeau de Bastos dans le dos de la défense. Après ça,
rien. Je vous laisse deviner ce que donne rien + rien…
La rencontre s’est déroulée sur un rythme parfois élevé et Källstrom a une nouvelle fois démontré son talent d’homme à tout faire. Mais les Rhodaniens n’ont pas su créer d’autres situations chaudes. Convalescents ou malades ? No lo se. Ils n’ont été ni bons ni mauvais, et c’est peut-être ça le plus triste.
Un Loulou, des loulous
Contraint de revenir au score, Montpellier a montré
de l’allant. Les beaux enchaînements, les gestes bien sentis d’un Belhanda aux
jolies qualités techniques, la tentative d’Aït Fana et l’autre de Giroud n’ont
toutefois pas suffi. Les hommes de Loulou Nicollin ont buté sur le bloc des
loulous d’en face et ont été crucifiés dans les arrêts de jeu. Issue cruelle,
puisque dix minutes auparavant, les essais montpelliérains avaient finalement
été transformés : sur une pelouse qui portait les stigmates d’un combat de
rugby disputé plus tôt, la
délivrance est venue par Spahic. Le défenseur central a marqué à la suite d’un
corner. Je devrais dire « l’excellent défenseur central a encore marqué à la suite d’un corner ».
Spahic in, Cris out
Pourquoi tant d’insistance ? D’abord parce que, indéniablement, l’international serbe est la bonne pioche de Montpellier. Il mériterait de se frotter aux meilleurs attaquants européens et de s’imposer en chef de bande au sein d’une défense instable – Lyonnais et Marseillais, ce message est pour vous. Ensuite parce qu’il est récidiviste et que son bon jeu de tête n’est pas inconnu. Il n’y a que Cris qui n’y ait pas cru et a abandonné le marquage sans complexe. Celui qu’on surnomme le Policier n’est plus que l’ombre de lui-même. Côté chiffres, le fait est sans incidence puisque Lisandro a réparé la faute du grand chauve. Mais à terme, les erreurs répétées du Brésilien feront plus de mal à une équipe en quête de confiance ou de jeu.
Il est urgent de tourner la page. La bonne nouvelle, c’est que des solutions existent : en attendant Lovren, qui a rassuré, hier, ceux qui croient en lui, la piste menant au patron de la défense montpelliéraine semble bien fructueuse. Il faudra faire vite, toutefois, car la montre tourne. Le Serbe n’est plus tout jeune.