Une honte

A quelques heures du combat de Croke Park, rien d'autre ne me vient qu'un sentiment de dégoût et de honte. J'ai beau détester le sélectionneur Domenech, maudire chacune de ses sorties aux micros, je ne peux supporter qu'on s'attaque à l'homme ; à lui, comme à aucun autre. On assiste pourtant, depuis quelques jours, à une déferlante de haine, une surenchère dans une violence verbale de très mauvais goût, semblable à une mise à mort. La tête du sélectionneur n'est pas tombée en 2008 ; peut-être cela impressionnera-t-il davantage, peut-être cela fonctionnera-t-il enfin si c'est l'homme que l'on met au pilori...

Tout simplement intolérable et dégueulasse.

Ce changement de cap n'est pas le fait des Irlandais qui, s'ils mettent du coeur à moquer la compétence de Ray à son poste, restent à leur place et ne débordent pas du cadre sportif. Mais des journalistes sur le plateau de Canal + se demandaient hier si la ligne jaune n'avait pas été franchie par le journal Le Parisien en publiant jeudi une photo de ses enfants. Il l'a sans doute déjà franchie en choisissant de faire paraître un article consacré au quotidien du sélectionneur, à la boulangerie qu'il fréquente, à son buraliste. En lisant les interviews (vous lirez l'article ici, mais attention, le voyeurisme informatif a son prix - bah oui !), on découvre un Domenech près de ses sous, râleur et un poil sexiste, qui a failli, une fois, renverser une passante en sortant de son garage avec un 4x4... Voyez donc ! Assurément, en plus d'être piètre sélectionneur, Raymond est un voisin détestable !!

Le Parisien, comme avant lui et avec lui L'Equipe, organise la chasse à l'homme sans voir qu'en persévérant, il finira par s'enorgueillir d'avoir broyé un homme coûte que coûte ou, au mieux, en cas d'échec, par en faire un martyre. Comment peut-on assumer de tomber aussi bas ? Qu'a à voir le fait de grogner avec la pertinence des choix de sélectionneur ? À l'heure où le pays s'excite à débattre de sa belle "identité nationale", j'ai l'impression que le portrait publié apporte un début de réponse : râleur et radin tout à la fois, n'est-ce pas là un ensemble d'attributs qui vous font français jusqu'à la moelle et vous rendent légitime, plus qu'un béret et une baguette de pain, à tenir les rênes de la sélection Bleue ?

Peu importe. L'instruction est exclusivement menée à charge dans le but d'abattre Domenech, quel qu'en soit le prix. Lui assure qu'il est un punching-ball, qu'il préfère prendre les coups pour épargner son équipe et qu'il s'en amuserait presque ; mais même un punching-ball, il me semble, serait traité plus dignement.

Il suffirait qu'on se taise ou qu'on en reste à critiquer les options sportives pour servir son équipe de France. Le vrai supporter devrait demeurer là, à soutenir les joueurs en dépit de désaccords de fond et malgré les crises. Aujourd'hui, certains Bleus avouent jouer un nœud dans l'estomac au Stade de France, être choqués par les sifflets dirigés contre le chef d'orchestre resté sur le banc... Un appel à l'unité, aux boucliers rangés en somme qu'a lancé, il y a quelques semaines, un ancien capitaine, visiblement peu écouté. C'était Zinédine Zidane, autant dire... personne.

Comments

[G. Fessinov]

Si j'avais pensé un jour, que tu défendrais Raymond Domenech !!

Pour le reste, je suis tout à fait d'accord avec toi. Qui sont ces journalistes, pour aller non seulement tirer les vers du nez des commerçants voisins de R.D., et, surtout, pour utiliser ces méthodes de paparazzi ?
Ils sont tombés bien bas ! Na !