Demain, l'OM...
Demain, Marseille devrait
s’arrêter de vivre. Les yeux seront vraisemblablement tous rivés sur le
Vélodrome, et les oreilles tendues vers Marcel Picot. Mais… et après ?
Imaginons que la Bonne-Mère exauce les souhaits des Phocéens. Imaginons
le nul ou la défaite de Nancy. Imaginons la qualification arrachée à
l’est. La saison, à coup sûr, serait considérée comme réussie. Cela
changera-t-il quoi que ce soit pour la saison prochaine ? Je veux dire,
excepté le droit de disputer un premier tour dans la prestigieuse Ligue
des champions ? Le coeur serré, je parie que non...
L’OM semble
écrasé par son passé, l’OM ayant écrit, voilà plus de quinze ans, l’une
des plus belles pages de l’histoire du football français. L’équipe qui
a perdu la finale de Bari était fabuleuse, au sens littéral du terme. Elle avait éliminé en quart de finale de la coupe des clubs champions le grand Milan au terme d’un duel d’anthologie qui continue de donner la chair de poule…
Souvenirs, souvenirs… San Siro. Le ballon passe devant Gullit et Rijkaard et arrive sur Abedi Pelé. Le Ghanéen est dos au but, Ancelotti sur ses talons. Il démarre, le contourne – c’est si facile ! – et glisse à Waddle
du bout du pied. L’Anglais, dos au but lui aussi – ah, les défenses
italiennes ! –, contrôle et se retrouve avec trois Milanais sur lui.
Avec ses grandes pattes et son allure gauche, il parvient à décaler Papin
à droite pour une finition parfaite. Ce carré de pelouse est le jardin
du ballon d’or 1991, et son geste du pied droit, sa marque de fabrique.
L’OM de Tapie, menée 1-0, égalise et ramène le nul d’Italie. Berlusconi
grimace.
Match retour un peu tendu mais les stars néerlandaises et transalpines pèsent peu sur la défense blanche légendaire : Amoros, Boli, Casoni, Mozer et Di Meco imposent un défi physique permanent et ne laissent pas souffler des rossoneri sans imagination. La rencontre achève de rentrer dans l’Histoire sur deux actions : à la 75ème minute,
Abedi Pelé se démarque sur l’aile gauche. Sans solution, avec six
Milanais dans la surface, il centre, désespéré. Le ballon arrive dans
l’axe, Papin se bat, le dévie de la tête, désespéré. Le ballon part en
cloche et se retrouve à l’angle de la surface, à droite en regardant
les buts de Rossi. Avant qu’il ne rebondisse, Waddle surgit et frappe du droit
– il avait un pied droit ??... Personne d’autre ne pouvait marquer à ce
moment-là ; cet instant lui était dédié, à lui qui finira le match en
marchant, usé par les efforts consentis et le traitement particulier
que lui a réservé Maldini tout au long du match. 13 minutes plus tard,
les Milanais assommés croient tenir l’occasion de sortir la tête haute
: une panne de courant prive le stade d’une partie de son éclairage, et
certains joueurs, encouragés par leurs dirigeants, refusent de
reprendre la partie une fois les choses revenues en ordre. Milan perdra
finalement le match 3-0 et sera interdit de compétition européenne
l’année suivante. Les Marseillais, eux, reviendront quelques semaines
plus tard en Italie pour jouer la finale et pour la perdre.
L’équipe se renforcera. Un « sorcier » prendra les rênes de l’équipe, qui compensera les départs de quelques-uns par l’arrivée de Barthez, Angloma, Desailly, Sauzée, Deschamps, Martin Vasquez, Boksic ou Völler. Mais, ironiquement, le moment où le club décrochera la coupe d’Europe est aussi celui où il s’effondrera. De l’affaire OM-VA, la « Metropolis »
marseillaise ne s’est toujours pas vraiment remise. Revenu dans l’élite en 1996
après deux années de purgatoire en 2ème division, le club ne parvient plus
à se mêler à la course au titre, exception faite de la saison
1998/1999, où l’OM terminera à 1 point de Bordeaux. Et pourtant,
pourtant, les yeux se tournent chaque année vers Marseille, comme si le
club devait tôt ou tard renouer avec son passé. L’attente est énorme et
les résultats, eux, sont en dents de scie. L’année prochaine
fera-t-elle exception à la règle ?
Mélancolique de son passé, l’OM est également pris de vitesse au
présent par un autre Olympique. Lyon réussit là où Marseille rêve
d’aller. Lyon a une équipe, faite d’individualités fortes ; Marseille
n’a qu’un diamant, deux quelquefois, auquel s'ajoutent deux ou trois
guerriers et des joueurs plus anonymes ou, ce qui est sans doute pire, des talents certifiés qui
déçoivent et tirent l’équipe vers le bas. Lieu de passage et parfois
d’éclosion d’étoiles du football, l’OM n’apparaît plus en fait que comme un
vivier dans lequel les plus grands, les plus
riches et, aujourd'hui, les plus attractifs, viennent puiser. Ce faisant, le club s’appauvrit au lieu de
s’enrichir ; au mieux, il stagne, mais, dans tous les cas, il n’a pas
encore les moyens de rivaliser avec celui qui s’apprête à conquérir sa
septième couronne ou de résister aux sirènes des habitués de la Ligue
des Champions, qui font rêver autant que l'OM... de 1991.
Alors,
bien sûr, il est possible d’imiter le nouveau modèle français. Il faut
prendre, comme Lyon, le temps de construire une équipe par petits
bouts, de recruter tous les ans les deux ou trois meilleurs joueurs du
championnat national. Pas n’importe lesquels non plus, car leur profil
et leur personnalité doivent être adaptés au projet. Il faudrait de la
patience et de la science. Naturellement, l’OM a déjà tenté. A
l’inter-saison, la perte de Ribéry avait été jugée – à raison sur le papier – intelligemment compensée. Et pourtant…
Que penser de la prochaine saison ? On annonce Ben Arfa et Kim
; vont-ils changer l’OM ? Sentiment contrasté : le premier va bien à
Marseille, mais ne lui permettra sans doute pas d’aller décrocher les
étoiles ; le second risque de s’y perdre, mais saurait, avec d’autres
et avec le temps, faire peur même à Lyon, Madrid ou Chelsea.
Ben Arfa est une perle dont l’OM aurait envie de se saisir. La cité phocéenne a besoin de lui autant que lui a besoin d’elle – chababada…
Il a les gestes pour la séduire, les dribbles pour l’enflammer. Il
provoque, a des coups de génie, percute, contrôle et joue avec le
ballon comme nul autre. Il y aura sans doute à Marseille des benarfades comme il y eut des papinades et des drogbades.
Même les dix-douze touchers de balle qu’il croit nécessaires avant de
lever la tête et de faire sa passe seront, à l’OM, une merveille. Mais
l’OM restera déséquilibrée, sauf à construire autour du jeune espoir, à
réunir autour de lui des joueurs de devoir tels que Niang ou Cana, et à consolider la défense. Sans ça…
Kim
? Ce qui pourrait arriver de pire à l’OM est qu’il se fonde dans le
collectif et finisse par se mettre au diapason des joueurs passés à
Marseille et qui ont, à la longue, oublié d’être éclatants. Il faudrait
qu’il sache d’emblée s’imposer dans le groupe comme l’un de ses
leaders, qu’il ne craigne pas l’environnement, qu’on lui donne du temps
et qu’on lui pardonne ses déchets et son temps d’adaptation. Or, il
n’est pas sûr que le joueur, par ailleurs très fin, ait le tempérament
pour exploser sur les bords de la Méditerranée. Fasse que je me trompe…
L'OM
sera toujours l'OM ? Tout ne tient au
fond qu'à un fil car tout n'est pas mathématique. Peut-être
verra-t-on Kim passer le ballon à Ben Arfa - et réciproquement ? - et
l'action se finir par un but qui offrira le titre à Marseille...
Peut-être.